Me remettre à lire, lire comme quand j’étais adolescente, comme quand le temps s’étirait langoureusement et moi avec, sur la fraicheur d’un dessus de lit, à l’écart à l’étage dans le gîte loin du tintement des couverts, la tête au-dessus du bouquin et la main au-dessus des chips,
lire comme si je pouvais m’ensevelir sous ces pages, m’oublier dans les interlignes, comme si les littératures redevenaient ma grotte, mon antre et mon royaume, comme si je pouvais revenir à cette abstraction de la réalité qui était la mienne à l’époque, sans souci de l’effondrement, sans souci du sifflement significatif de cette cocotte-minute toute remplie de chair de poule, faire comme si la vie allait continuer de s’écouler tranquillou bilou
sans qu’il faille accélérer les stages de la débrouille et l’accroissement ou à défaut le maintien des compétences cognitives, booster sa mémoire, doubler, tripler, quadrupler les cordes à son arc pour en anticiper une espèce de luth, devenir soi-même objet de renaissance afin d’adoucir les mœurs à venir, éviter de glisser de branleuse en brainless, en soignant ses synapses face à ce synoptique agrégé de collapse afin de se parer et de se préparer, en avoir dans le crâne en avoir dans les tripes puisque ces deux trucs-là fonctionnent de concert
sans qu’il faille faire tout ça, donc.
Juste lire. Se délivrer de la pression. Se livrer à ce noble versant de procrastination. En attaquer la descente. Ou la montée, qui sait.
Alors, le lyre, ou la luth ?