Demain on va se lever tôt (très tôt même pour les plus motivés) pour aller se cailler sans être payés.
Ne serait-ce pas nettement plus confortable de partir travailler sans se poser de question, rassurés par les gestes quotidiens et l’accueil du public : après tout, c’est gratifiant, les « Au moins vous êtes ouverts, vous », cette certitude d’être utile, là, ici, maintenant. C’est agréable, c’est valorisant, à court terme.
Sauf que préparer le long terme, ça n’attend pas. Se joindre au front syndical, aussi diversifié qu’uni, ce n’est pas cracher dans la soupe, c’est arrêter de la servir aux ploutocrates. On ne choisit pas de bloquer des travailleurs, majoritairement les perdants de cette réforme, mais de les représenter, ces quelques 7 Français sur 10 qui ne souhaitent pas jouer les prolongations dans un match pipé qui part sur de faux postulats, et qui sont parfois ravis d’avoir l’excuse d’une école fermée pour se joindre au mouvement.
Fatalisme, aquoibonisme et cynisme sont des écueils très tentants sur lesquels il est facile de s’échouer, mais tout autant de se noyer. S’entourer des foules permet un peu de sortir la tête de la houle.
Une jeune retraitée, qui n’a pas encore pu raccrocher de son resto-tabac-PMU (du genre à découper dans les journaux les autorisations de sortie covid pour les distribuer aux petits vieux sans smartphone, à l’époque), m’a récemment dit : « ce qui me désespère le plus, c’est de constater à quel point ils nous prennent vraiment pour des abrutis, là-haut. »
Ok sur les grandes lignes, mais pas sur ce « là-haut ». Ils ne sont pas « là-haut ». Ils sont complètement à côté. Strictement parallèles aux enjeux, puisque justice sociale et écologique sont liées.
Coincés dans leurs tours de défenses, peu leur parvient de cette rue sonnante et trébuchante, cette vraie richesse, celle qui ne manie que rarement la langue de bois et offre au contraire une langue fleurie : « une réforme « JUSTE » pour les riches », « métro boulot caveau », « c’est pas plus simple de mieux nous payer ? », « Borne to be alive », « La retraite avant l’arthrite », « 64, c’était mieux en Nintendo », « 49.3 Soleil »…
En plus de se balader entre des pancartes, on peut tout à fait cumuler avec une grève de la carte bleue, et retirer davantage son liquide des banques (le challenge de l’enveloppe est peut-être révélateur d’un tournant), en soutien de l’économie, réelle et vivante.
Et bien sûr contribuer, si ce n’est pas déjà fait, à l’ampleur du mouvement aussi sur la pétition nationale.
PS : le fantasme d’un clivage indépassable entre patrons et salariés n’engage que celles et ceux qui y croient : cf. là et là 😉