Il va bientôt se lever. Il a beaucoup de mal. Il se demande pourquoi. Pourquoi autant de mal, mais aussi pourquoi d’ailleurs se lever. Il aimerait rentrer sa tête sous son oreiller, saisir et caresser la brume matinale qui entoure ses neurones au réveil, parce que c’est peut-être la seule chose qu’il a à caresser. Ce flou, cette torpeur, ce moment où l’âpreté de la lucidité ne lui est pas encore revenue, il en profite, il les savoure. Quand tout s’éclaircit, paradoxalement, tout s’assombrit. Une journée à passer au scalpel de son cerveau. D’analyse, de réflexion, à multiplier les pas pour mieux les retenir. Une journée de décisions mûries au profit d’actions pourries, une journée à laisser faner ses rêves ratatinés à la lumière crue des néons du bureau, parce qu’il y a des stores et des garde-fous aux fenêtres pour empêcher le soleil de tomber.
Une intuition, soudain, en voyant sa vieille chaine qui lui sert de radio-réveil. Il n’a pas cédé à la facilité du téléphone de chevet. Il sort un vieux disque gravé d’une pochette improbablement posée là. Une sorte de techno-dance, période makina. Il a appris bien plus tard qu’on avait associé cette musique aux jeunes néonazis, à l’époque. L’impression contrariante d’avoir été sali par cet amalgame. Parce qu’il dansait là-dessus, presque tous les samedis soirs, il y a quoi, dix ans, vingt ans ?
Il est à peine huit heure du matin, pourtant il glisse le disque dans le lecteur, monte le volume. Il se réjouit de sa maison bien insonorisée. Il se rappelle qu’il avait une copine à l’époque, il n’a aucune idée de ce qu’elle est devenue. Il est encore en t-shirt et caleçon, au milieu de son salon, il essaie de se débarrasser de sa retenue pour bouger un bras, une jambe. Il se sent ridicule, empoté, en dehors du tempo. Il ne retrouve pas ses gestes d’antan, il se console avec des étirements, quelques pompes, mais ça lui donne presque envie de pleurer. Pourtant, le son de ses jeunes années est là, intact, et se déplie, s’installe, l’entraîne, autoroute fragile vers ses rêves d’alors. Il est le même, il le sait, pourtant. Il ferme les yeux pour mieux retrouver le gars désinhibé de l’époque. Il ferme les rideaux, la lumière. Il secoue la tête, il parvient un peu à laisser cette musique reprendre possession de son corps. Oh, pas longtemps, à peine quelques secondes, à peine. Mais ça suffit à lui arracher un sourire.
Il rouvre les rideaux, part se préparer un petit-déjeuner. Oui, il est le même. Il a juste subi de nombreuses mises à jour. Il ne lui reste plus qu’à choisir les fonctionnalités qu’il souhaite garder. Il se remet à réfléchir, à analyser, à décider. Il pense à un collègue de bureau, un peu fatigué, mais toujours partant. Il lui demandera s’il veut sortir en boite, samedi prochain. Il fera ça à la pause café. D’ailleurs, peut-être que cette fois, ils iront prendre leur café au soleil.
ben voilà !! Continue !
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